samedi 23 juin 2007


Une journaliste avait demandé à Jean-Claude Brialy (RIP) qu’elle était la plus belle réplique qu’il ait prononcée de sa carrière, et l’homme admirable avait cité:

«Les plus beaux
voyages se font
par la fenêtre.»


De derrière mes barreaux, cette phrase prend tout sons sens et, si je suis privé de liberté, j’entrevois d’autant plus que celle-ci n’a pas de limites si l’on s’en sert bien, et c’est mon intention. Chaque jour passé ici me rend plus fort et plus volontaire. Pour quoi faire ? C’est encore un peu flou… J’ai l’impression de redécouvrir la valeur de la vie. C’est très étrange comme sentiment.

/
Romain, incarcéré à Fleury-Mérogis (arrêté un pavé dans la main lors des récentes manifs "anti-Sarko", il a été condamné à 4 mois de prison ferme.)
prison.blogs.liberation.fr/romain

C’est presque la belle vie ! Ici, il y a des tas de mecs qui, une fois libérés, font des conneries en deux jours pour y être ramenés, parce que leur vie est là. C’est un peu flippant. Un infirmier m’a dit qu'il considérait que

Fleury-Mérogis est le plus grand hôtel social de France.

/
Romain
J'ai aussi assisté à ma première baston en endroit clos, mercredi. J'attendais peinard d'aller voir la psy dans une cellule d'attente, avec 4 gars autour. Un cinquième est rentré, et a collé une énorme patate d'entrée de jeu à un mec qui était là. Les autres ont pas bougé, et j'ai su pourquoi après: si les surveillants étaient rentrés, il auraient foutu tous les mecs impliqués au mitard, sans distinction de qui avait commencé, pourquoi. La prochaine fois ! Et en même temps, dans 10 m2, on peut pas regarder un gars se faire défoncer la gueule et faire semblant de rien.

Dehors, on appellerait ça «non assistance à personne en danger», ici, on appelle ça
«c’est pas mon problème.»


/
Romain

lundi 18 juin 2007


La prison c’est ça… absence, éloignement, impuissance, manque, détresse. Un tunnel qui vous écarte de la vie dehors, comme si tout à coup

on vous voilait les yeux, onvousattachait
lesmainsetlespieds, et on vous enlevait la voix comme on éteint une radio.


Qu’est-ce qu’on devient, à ce moment-là? Qu’est-ce qu’on devient, quand on vous enlève le vent, les arbres, le rire des enfants… Quand on vous lâche dans un autre monde, hostile, froid, où le regard de ceux que vous aimez n’est permis que quelques minutes par mois ; ces minutes pendant lesquelles on étouffe un peu, alors que l’on voudrait respirer si fort cette présence… pour qu’elle nous accompagne encore quand le temps sera écoulé, impitoyable, et qu’on vous voile à nouveau les yeux.

/
Idora.

Au grincement sinistre et significatif de la lourde porte se refermant sur moi succède peu à peu un silence de fin du monde… surtout ne plus penser… ne plus penser pour ne pas craquer… déposer mon piètre nécessaire de taulard… le disposer… lui assigner une place… créer l’illusion de l’utilité d’un geste… reste à vivre… même pas à vivre, à exister seulement… à végéter animalement, organiquement…

Mais surtout,
ne plus penser…
repousser les images,


toujours les mêmes, celles d’hier, d’ailleurs, du temps qui ne reviendra plus avant tant de temps… ne pas penser… ne pas reprendre les dernières phrases de la dernière conversation… les mots que la séparation a rendus si douloureux… si déchirants… ne pas penser… se dire seulement qu’il fait froid, qu’il fait tristes… s’éparpiller dans les détails, se fixer aux automatismes… cuillère, fourchette, assiette, bol… manque rien… non rien, pour fonctionner, pour subir

mais ne pas penser…
se défendre
d’être conscient,
d’être lucide,
s’interdire
de comprendre


que dehors, dans un autre temps de ce temps, un monde existe encore où des femmes et des hommes sont heureux sur une terre à la dérive…

/
Michel - Varces

C'est lorsque l'on est dedans que l'on se rend compte à quel point la prison est injuste. Avant d'y être moi-même confronté, cela ne m'avait même pas effleuré…

Que dois je faire?
Attendre, me dit-on.
Demain sera meilleur.


La vie recommence dans quelques mois. Quand tu auras payé, plus Léger tu seras. Mais je sais maintenant,

le boulet
taché,
les marques
resteront


/
Sebastien (extrait de "paroles de détenus" de Jean-Pierre Guéno)

jeudi 14 juin 2007


Dans la série des «interviews interdites» voici celle de Thierry, l’un des 520 détenus français condamnés à perpétuité, qui a bien voulu répondre à quelques questions concernant ses études.
Ses mots vous permettront d’en savoir un peu plus sur ce qui se passe en prison et de comprendre qu’il y a ici des gens qui se battent de différentes façons (là en l’occurrence par le savoir) pour ne pas sombrer, malgré leurs peines interminables et leurs mauvaises conditions de détention. Je crois qu’il était important et intéressant de vous éclairer sur cet aspect du monde carcéral.



Peux-tu te présenter et nous raconter dans ton parcours carcéral ce qui t’a amené à faire des études?


Je m’appelle Thierry et j’ai 37 ans.
Depuis 1990 (mes 20 ans), je n’ai eu que quelques brefs mois de liberté.
Sans trop me retourner sur le passé, je dirais simplement que j’ai traversé toutes les étapes «d’auto-destruction» que le monde carcéral puisse proposer, et elles sont nombreuses.
En ce qui me concerne, j’ai toujours envisagé les choses par étapes successives. Qu’il s’agisse de mon parcours carcéral ou de mes études qui participent à ma reconstruction.
En arrivant à Poissy en 2002, j’ai commencé une formation que proposait la Centrale : le C.A.P cuisine (j’étais encore sous camisole chimique (Nozinan) à cette période). J’ai continué l’année suivante avec le B.E.P hôtellerie et le B2i (j’ai arrêté tout traitement médical cette année là).
J’ai vite réalisé que les heures passées en cours ne sont pas des heures en cellule.
Lorsque après ces deux formations le centre scolaire m’a proposé de continuer avec le D.A.E.U. (dehors, j’ai arrêté l’école en 4ème) j’ai pris cela comme une chance qui s’offrait à moi, et d’une certaine façon, un défi vu le retard scolaire que j’avais.
Beaucoup de choses positives sont ressorties durant cette année, comme la découverte de la philosophie, mais surtout, une approche différente dans mon rapport aux études. J’avais en face de moi des profs qui avaient l’air d’aimer ce qu’ils faisaient, qui prenaient plaisir à nous faire découvrir des auteurs comme : Marivaux, Proust, Baudelaire, Corneille, Nietzsche…
Je me suis surpris à prendre du plaisir en lisant ces textes le soir ou la nuit en cellule. Mais également d’autres plaisirs comme la danse des phonèmes et l’articulation des mots, de la poésie, de l’écriture.
J’ai finalement décroché mon D.A.E.U., mais le plus important a été mon évolution mentale, psychique et physique. Je sentais en moi de choses qui ne demandaient qu’à sortir, qu’à s’exprimer, telle une rage d’apprendre, de progresser, de m’améliorer, de devenir l’unique propriétaire de moi-même et de mes projets.
A la fin de l’année, le D.A.E.U en poche, j’ai donc été voir les responsables du centre scolaire et je leur ai fait part de mon désir de continuer à étudier. (Il n’y avait rien après le D.A.E.U à Poissy) Après maintes discussions et recherches avec l’une des responsables du centre scolaire, il s’est avéré qu’une Licence de Lettres modernes était proposée à la prison de la Santé avec l’un des départements de l’ Université Paris 7 de Jussieu, le D.E.P.A.E.S qui s’occupe de la section des «Etudiants Empêchés».
Après beaucoup d’insistance de ma part, il a été décidé de faire un essai sur quelques modules de cette Licence de Lettres sur Poissy.
C’est ainsi qu’on commencé à s’articuler les choses, dans un premier temps avec l’intervention de deux professeurs (un de philo et un de linguistique).
Nous étions deux étudiants la première année.
Après beaucoup de travail, de ténacité, de persévérance, j’ai réussi et validé ma première année de licence. Aujourd’hui, la Licence de Lettres sur Poissy commence à avoir du succès, nous sommes dorénavant huit étudiants à y suivre les cours et il y a maintenant plus de profs que d’étudiants. En ce qui me concerne, je suis dans ma deuxième année, qui se déroule très bien.
L’avenir concernera la mise en place de la Maîtrise de Lettres, le moment venu.


Les conditions carcérales sont-elles gênantes pour étudier?


Non ! La démarche d’ouvrir un livre, d’apprendre, de vouloir progresser, que celle-ci se fasse dans une chambre d’étudiant, sur un campus ou dans une cellule est exactement identique, j’ai souvent face à moi des personnes qui trouvent trop de raisons, trop « d’excuses » pour ne pas faire ceci ou cela.
Il est vrai que les choses n’arrivent pas toutes cuites dans nos assiettes et qu’il faut se battre et donner le meilleur de soi chaque jour.
A chaque instant, nous sommes face à des choix, nous avons tous la liberté de dire « oui » ou « non », notre vie est uniquement guidée par les décisions que nous prenons ou que nous refusons.


Comment s’organisent les cours à Poissy?


Du lundi au jeudi, les cours commencent à 16h et se terminent à 18h. (Sauf le jeudi ou ils commencent à 14h)
Mais c’est surtout un travail personnel qui se fait en cellule.
- Lundi : Philosophie / Art & Cinéma (En alternance tous les semestres)
- Mardi : Littérature / Méthodologie
- Mercredi : Linguistique / Latin
- Jeudi : Atelier d’écriture
(Des changements peuvent avoir lieux en fonction des UV à passer)


Quelles sont tes relations avec les profs venus de l’extérieur?


Mes relations avec les profs sont très bonnes, mais je m’applique à garder un certain recul, certains tutoient les profs, moi non. Il me parait important de garder une relation Profs - élèves. Mon objectif est de décrocher ma Licence, pas de me faire de nouveaux amis ou de tomber dans la camaraderie.


Vous considèrent-ils comme des élèves à part entière?


Je l’espère, en tout cas c’est ce que j’attends d’eux.
Mais il me parait difficile de me prononcer à leur place.


Etudier est-ce un refuge, une façon d’échapper au monde carcéral?


Oui, au même titre que le sport, les médicaments, la drogue, la télévision…
Mais c’est également la meilleure façon, en ce qui me concerne, pour faire passer le temps, ce temps infini. Etudier en prison ou dehors revient au même, par les efforts à fournir, la rigueur, les horaires à respecter, l’autodiscipline.


Est-ce que faire des études rend la détention plus supportable?


Oui et non. Oui dans le sens où la charge de travail demandée me fait passer beaucoup d’heures en cellule, à lire, à faire les devoirs demandés, ce qui par la force des choses me met un peu à l’écart de l’agitation quotidienne. Je veille à ne pas me disperser à droite et à gauche inutilement, en tout cas beaucoup moins qu’avant.
Non dans le sens où avoir choisi d’étudier pour m’en sortir, n’est pas toujours bien vu de tous, quelques âmes orgueilleuses le prennent comme une provocation ; Elles restent des exceptions sans importance.
La plupart des gars me connaissent depuis des années, ils connaissent mon parcours et savent d’où je suis parti.


Apprendre c’est se libérer?


Je ne sais pas si apprendre c’est se libérer, ce que je peux dire c’est que les études m’apportent des connaissances, une réflexion plus posée, un recul sur les gens et les choses que je n’avais pas avant. Avancer dans les études me fait avancer sur moi, au travers des livres lus, des thèmes travaillés, des sujets étudiés. Je ressens une certaine sérénité, une meilleure assurance, un calme, un bien-être, ce sont des sensations nouvelles pour moi. Si j’ai décidé de me lancer dans les études, c’est surtout parce que je n’avais pas le choix de faire autre chose. Chacun doit trouver sa propre voie, celle qui lui convienne, nous n’avons qu’une vie, alors il me parait important que le chemin que nous décidons de suivre, aussi varié et divers soi-il, nous permette de nous épanouir, de trouver un équilibre, une stabilité.


Etre condamné à perpétuité n’est-ce pas un frein aux études?


Non, plutôt une motivation à ne jamais baisser les bras, à ne plus jamais m’affaisser, mais me battre jour après jour pour toujours m’élever.
Je souhaite simplement donner un « sens » à une peine qui n’en a pas.


Jusqu’où veux-tu aller?


Jusqu’à la dernière marche.


Ce niveau d’études te permet-il de comprendre les raisons qui t’ont amené en prison?


Bien évidement, cela prend du temps pour faire un travail sur soi, se remettre en question n’est jamais chose facile, mais l’introspection est parfois nécessaire si l’on souhaite avancer. Les études m’aident à aller plus loin dans mes réflexions, elles m’aident à ne plus rester à la surface des choses, de leurs apparences (du sensible), ma vision ne s’exprime plus sous un prisme binaire, au contraire, les études me proposent une palette de solutions, d’approches possibles et aussi différentes les unes que les autres. Il me parait préférable de savoir que de croire.


Penses-tu que les études mènent à la réinsertion?


Si elles n’y mènent pas, alors je ne vois pas qu’elles autres choix s’offrent aux détenu(e) s condamné(e) s à de longues peines qui souhaitent s’en sortir et se réinsérer ?


Obtient-on des remises de peines lorsque l’on passe des diplômes?


Quand on a une peine à temps, avec une date de fin de peine, certainement.
En ce qui me concerne, je n’ai jamais signé une heure de grâce ou de remise de peine.


Comptes-tu poursuivre tes études une fois libéré?


J’aimerai passer tous les cycles Universitaire ici, entre le centre scolaire et ma cellule, quand ma formation de Lettes sera plus avancée, alors peut-être que d’autres portes que celles de la prison s’ouvriront. Il existe des voies qui m’intéressent, comme poursuivre mon cursus avec une école de journalisme par exemple.
Mais il ne faut pas vouloir les fleurs avant les bourgeons, pour l’instant je dois rester concentré sur ma Licence et le programme de 2ème année.


Quel conseil donnerais-tu à ceux qui commencent leur peine?


D’avoir des projets, un homme sans projet est un homme mort.
Nous sommes tous des unités entières et indépendantes faisant partie du même ensemble. Si nous vivons dans la même société, c’est la particularité et la spécificité de chaque homme qui est intéressante contrairement au grégaire, au global.
Chaque cas est différent, chaque parcours, chaque motivation, ce qui est bon pour moi ne le sera peut-être pas pour un autre.
Je ne suis ni mieux, ni moins bien, je suis moi, Thierry.

9m²

9m², j’ai braqué,
9m², je suis cerné,
9m², je suis arrêté,
9m², vous ne savez pas ce que c’est !


Encore entravé au greffe je suis emmené,
Dans une maison d’arrêt je suis écroué,
Pour des années je perds ma liberté,
Le mauvais sort s’est encore acharné,
Comme un loup égaré ils m’ont piégé,
Au nom de la société ils vont me condamner.

Vers un ciel sans pitié j’ai envie d’hurler,
Mains menottées c’est trop tard pour prier,
La vie rêvée c’est dollars et grosse monnaie,
C’est une agence blindée que j’ai attaquée,
Affaire ratée, des fonctionnaires m’attendaient,
Sûr, se faire flingué s’est mieux que 9m².

9m², je suis coincé,
9m², je suis bouclé,
9m², j’ai replongé,
9m², vous ne savez pas ce que c’est !


Je suis enfermé dans ce carré minuscule,
Prisonnier de moi-même au fond d’une cellule,
Oublié les leçons du passé, mauvais calcul,
Tournent les aiguilles de la maudite pendule,
Faut assuré face à la chance qui bascule,
Fracture du crâne, pensées qui se bousculent.

Chaleur de vie risquée, grosse canicule,
C’est le besoin d’argent qui nous manipule,
Douleur d’une morsure de tarentule,
La violence s’étend et les armes circulent,
Tourment du temps sans limite qui émascule,
La perpétuité est une sentence sans scrupule.

9m², je suis dégoûté
9m², je suis cassé,
9m², je suis coffré,
9m², vous ne savez pas ce que c’est !


Mais comment tout cela a pu se faire,
J’ai pourtant essayer le mode « je me ré-insère »,
Mais j’ai pas su éviter ce putain de fait divers,
Course poursuite sévère, brisant les barrières,
Ce soir j’ai les nerfs et un sale goût amer,
Je vais porter les fers durant de longs hivers.

Habitué à cet enfer pour quelques billets verts,
J’ai la tête d’un mec qu’on incarcère,
Retour des années dont j’ai tant souffert,
Brûlantes comme les promesses de lucifere,
Prison qui colle à la peau d’un bouc émissaire,
Je succombe encore dans ces couloirs de misères.

9m², je suis enfermé,
9m², j’ai déconné,
9m², je suis retombé,
9m², vous ne savez pas ce que c’est !


Folie passagère pour les biens des citoyens,
C’est l’histoire d’un vaurien qui lève le chien,
Situation précaire, c’est le bandit qui revient,
Manque d’espoir au fond de cet asile d’humains,
Les regrets soufflent en vains sur mes lendemains,
Je ne suis pas un saint, on refait pas son destin.

Je sais que tous ce fait sous l’égide du malin,
Qui aime l’odeur de la poudre au petit matin,
Verra la pénitence devenir son quotidien,
L’absence d’amour est un voleur de grand chemin,
Maintenant j’en suis certain je suis un malandrin,
Sans doute aucun, ici s’arrête mon chemin…

9m², je suis emprisonné,
9m², je suis incarcéré,
9m², j’ai récidivé,
9m², je sais trop bien ce que c’est…


C’était 9m² ou la complainte du récidiviste….

/
Leïla et Laurent

mercredi 13 juin 2007

Mai 1985,

Je fêtais mon premier anniversaire derrière les barreaux. Je venais d’avoir dix-neuf ans.
Ma mère et Lisa venaient régulièrement me voir au parloir. Elles avaient établi des permis de visite auprès du juge. Cela me faisait du bien de les voir. Cela m’aidait à supporter la détention.
Le juge m’avait convoqué à plusieurs reprises, afin de m’entendre sur les faits. Une chose l’intriguait plus qu’une autre :

pourquoi étais-je en possession d’une arme le soir des faits ?

En fait, je l’avais prise parce qu’un type sans rapport avec les skinheads me cherchait et voulait me causer quelques ennuis. J’avais donc décidé de prendre cette arme pour, au cas d’une rencontre, l’impressionner et lui faire peur. Il n’y avait pas d’autre explication. Ma version des faits sur le fond ne varia pas. J’avais été agressé par les skinheads.
J’appris que la seconde victime, le chef de la bande, était paralysée.
À cette époque, j’ignorais totalement ce que pouvaient représenter politiquement de tels groupes.
Le juge instruisait l’affaire comme un banal fait divers ayant mal tourné. Pourtant je ne cessais d’invoquer le fait qu’il s’agissait d’une véritable agression dont j’avais été la victime. Les témoignages fournis par les skinheads n’allaient, bien entendu, pas dans mon sens. Ils prétendaient que j’avais tiré sans raison apparente. Cette version fit douter le juge de la véracité de mes propos. Seul le témoignage de Lisa corroborait le mien.
Les skinheads se faisaient passer pour des anges auprès de lui. Pourtant, il en manquait deux ! Ils avaient fui avant l’arrivée de la police, emportant avec eux des armes. En effet, je pus relever le témoignage d’une jeune fille qui avait vu, le soir des faits, une arme à la ceinture de l’un d’eux. De plus, on retrouva une cartouche dans l’une des poches du décédé.
Mais le juge n’était pas au fait des mœurs violentes de ces individus.

Il penchait pour une responsabilité partagée et ne considéra pas l’agression, dont j’avais été victime, comme réelle.

/
laurent jacqua. Centrale de poissy

La prison, pour celui qui y entre pour la première fois, c’est terrible...
C’est un choc très dur dont on a du mal à se remettre ; certains d’ailleurs n’y résistent pas et se suicident.

La prison, c’est une agression permanente pour l’esprit et le corps.

Ce sont des odeurs, des bruits, des voix fortes, des cris, une sensation pesante, oppressante de dureté dans les choses et les êtres...
Imaginez-vous « arrivant » dans une coursive d’une centaine de détenus qui vous scrutent, vous jaugent.
Une angoisse vous saisit à tel point qu’elle vous paralyse

dans un mal-être permanent dont il est difficile de se débarrasser.

La prison a ses règles, ses traditions, sa culture propre...
C’est une «microsociété» avec ses rites et ses lois aux antipodes de ce que l’on peut connaître à l’extérieur.
Ici, la règle qui prédomine sur tout le reste est la loi du plus fort, du plus malin, du plus vicieux…